Elle finit par fermer les yeux…

Une fois n’est pas coutume, cet article est non seulement écrit par autre que moi, mais il n’en a pas la forme habituelle : je laisse place à la plume de Fabienne Bonnaz* pour la fable « La Grenouille, le Renard et la marmite ». Le texte, imitant le style des fables de Jean de la Fontaine, est inspiré de l’allégorie de la grenouille dans la marmite d’eau.

Une grenouille transie de froid prend refuge dans la tanière d’un renard sournois. Sous prétexte de prendre soin de son bien-être, il l’invite perfidement dans une marmite dont il fait doucement monter la température pour tenter de la cuire. Elle finit par fermer les yeux… Saura-t-elle sauver sa peau ?

Sous une forme littéraire originale, je vous laisse découvrir une histoire qui peut tous nous parler de différentes manières.

La Grenouille, le Renard et la marmite

par Fabienne Bonnaz, article publié le 28 janvier 2021

 

Une Grenouille frissonnant
Sous le vent glacial de l’hiver
S’aventura dans la tanière
D’un Renard hâve[1] et indigent,
Qui depuis dix jours, n’avait rien mangé.
L’animal affamé, de ses vaines battues[2] ,
N’avait las rapporté qu’un peu de bois feuillu.
Assis devant la cheminée,
Les yeux fixés sur la marmite,
Pleine d’une eau tristement plate,
Il rêvait d’une belle Truite
Garnie de quelques aromates.
Ce ferait bonne soupe, de ce flot insipide !
Pour donner le change à sa faim,
Et l’illusion du goût au fadasse liquide,
Sous le misérable bassin
Il s’apprêtait à mettre feu :
A défaut de riche saveur,
Que l’on ait au moins clémente chaleur !

 

Le piteux Renard marmiteux[3] ,
La main tendue vers le fagot,
Aperçoit alors la Grenouille,
Qui, surprise, s’agite et bafouille :

Pardonnez mon audace, c’est pour me mettre au chaud
Que je me suis glissée, transie,  sous votre toit.
Dedans, il fait si bon, dehors,  il fait si froid.
Acceptez, je vous prie, de me donner le gîte.
Le temps de me chauffer, je m’en irai bien vite.

Le Renard plein de joie, remercie tous les Dieux
Pour cette proie tombée des cieux :

La Fortune[4] frappe à ma porte,
C’est mon souper qu’elle m’apporte !

Il voyait la Rainette, déjà dans la cocotte,
Cuire et mijoter sous la hotte.
Mais la Petite était agile,
Et fatigué, notre Goupil[5] .
Au moindre geste, au moindre assaut,
La Grenouille prendrait la fuite.
Il fallait l’appâter en douceur dans le pot
Et l’y garder ensuite, jusqu’à ce qu’elle soit cuite.

 

Fébrile, le Renard réfléchit.
Soudain, la lumière se fit,
Et se tournant vers notre Intruse,
Plein de perfidie et de ruse,
Il dit avec empressement :

Soyez la bienvenue ! Point ne m’importunez.
Je prépare un bain, justement.
Voulez-vous donc vous y baigner ?
Pour se réchauffer, quoi de mieux?
Prenez place dans le chaudron,
J’y mets tout de suite le feu.
Vous en sortirez sans façon
Dès que l’eau deviendra brûlante.

Notre Grenouille, reconnaissante,
D’un grand bond, plonge dans le bain :
D’abord saisie de froid, se fige dans un coin,
Mais rapidement se détend.
Le bouillon devient tiède : c’est juste ce qu’il faut.
Elle nage et s’ébat, s’allonge sur le dos.
Elle ferme les yeux, se croit dans son étang.
Le Renard va et vient, lentement il s’active.
Il ajoute du bois et attise la flamme.

N’est-ce point un peu chaud, s’inquiète la Naïve ?
N’ayez trouble ni peur, Madame.
Il ne vous faut ni moins, ni plus.

Maintenant réchauffée, benoîte[6] et détendue,
La Niaise rassurée,  finit par s’assoupir.
Endormie dans son bain, elle est en train de cuire,
Mais elle ne le sent, ni ne soupçonne rien.
Le Renard s’en frotte les mains.

Encore une ou deux bûches, et le tour est joué.
Mais soudain – est-ce un bruit, un songe, une pensée ? –
La Grenouille s’éveille net.
La buée s’élève au plafond.
Le doute envahit la Rainette :

Monsieur, trop forte est la cuisson !
Ce bassin est une fournaise !
Vous m’avez endormie pour bouillir sur la braise !

Telle un beau diable de sa boîte,
Elle jaillit hors de la jatte,
Vers la porte se précipite ;
Meurtrie mais bien vivante, s’enfuit vers son étang.
Notre Renard, pantois, les bras ballants,
Se rassit aussitôt, maudissant la Petite.

Prends garde à l’eau du bain lentement réchauffée :
Sans te méfier de rien, tu finiras brûlé !
La Grenouille l’apprit à ses dépends
Mais, de ce fâcheux sort, se dégagea à temps.

Quelle leçon tirer de cette aimable fable ?

A quelles circonstances, est-elle comparable ?
Comme la Grenouille piégée par le Renard,
Périt à petit feu sans même le savoir,
Tout doucement, la conscience s’éteint,
Sans se rendre compte de rien,
Par lente et funeste consumation
De l’esprit et de la raison,
Sur le brasier des contingences,
Des contraintes et convenances.
Ignorant le danger, elle s’adapte,
Et à l’air du temps s’acclimate.
De faux-semblants en réels compromis,
De mésalliance en fictive harmonie,
Elle échange valeurs et convictions passées
Contre nouvelles et précaires vérités.
Croyant être libre, sans émoi,
Elle enterre ses rêves, renonce à ses combats,
Abandonne ses premiers feux
Et finit par fermer les yeux.

En toute bonne foi, que chacun s’examine :

Qui, au piège de la Marmite,

N’a jamais succombé ? Qui n’en est la victime ?

Le sort n’est pas jeté, de toi dépend la suite.

©Fabienne Bonnaz, tous droits réservés | Utilisé avec l’autorisation de l’auteure

 

Le petit mot coaching de la fin qui sera court pour ne pas briser la beauté réflexive du texte :

>> Et vous ? En quoi cette fable vous interpelle-t-elle ? Sur quoi avez-vous « fini par fermer les yeux », de manière à endormir votre conscience, votre fougue ou vos rêves ?

>> Mais alors : qu’allez-vous en faire ? Car « le sort n’est pas jeté, de toi dépend la suite… »

Si cette thématique vous a intéressé, n’hésitez pas à lire mes articles sur le courage, la persévérance, poser des limites, sortir de sa zone de confort, planifier le futur

 

Notes :

  • Crédit photo : pixabay.com ; Fable ©Fabienne Bonnaz, tous droits réservés | Utilisé avec l’autorisation de l’auteure
  • Fabienne Bonnaz est ma mère et j’en suis fière !
  • Quelques mots complexes expliqués : [1] Hâve : amaigri et pâli par la faim ; [2] Battue : méthode de chasse ; [3] Marmiteux : mal en point, misérable ; [4] Fortune : dans ce contexte, la chance ; [5] Goupil : autre nom du renard ; [6] Benoîte : comblée et satisfaite

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Ketsia Bonnaz

Ketsia Bonnaz

Coach, Formatrice, Consultante

 « Développer les potentiels » est ma passion… et mon ambition.

J’aime être catalyseur de développement, qui permet de passer de l’idée à la réalité.

Je vous accompagne à déterminer où vous êtes, où vous désirez aller, et passer de l’aspiration à l’action. Le coaching, la formation et la consultance me permettent de puiser dans des méthodologies et des outils variés afin d’aborder chaque situation avec créativité, et vous proposer des solutions adaptées et pertinentes.

 Je suis à votre écoute, en alignement avec mes valeurs d’intégrité, de respect et d’espoir.

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