J’ai été harcelée

J’ai été harcelée. A deux reprises. Dans cet article, je prends le parti de parler à la première personne, et de vous partager comme je l’ai vécu, ce qui m’a permis d’en sortir et ce que j’en ai appris.

Article de Ketsia BONNAZ, publié le 31 janvier 2022

 

La première fois j’avais 17 ans, c’était une camarade de classe qui ne pouvait pas me voir. La deuxième fois c’était il n’y a pas très longtemps, par un homme soi-disant amoureux.

Je vous en parle, parce qu’en parler, c’est déjà sortir de la honte et de la culpabilité, c’est faire un pas vers la réconciliation avec soi et vers la guérison des émotions. Ce cheminement, j’ai eu la chance de pouvoir le faire au moment approprié, pour moi-même. Si aujourd’hui je le fais avec vous, c’est parce que je sais que je suis loin d’être la seule, et que certaines situations sont bien pires que celles par lesquelles je suis passées. Et si vous êtes dans une situation de harcèlement, j’aimerais vous dire deux choses : premièrement, c’est : inacceptable.

Inacceptable d’être rendu vulnérable à ce point : le harcèlement détruit le sentiment de sécurité dont nous avons besoin, l’estime de soi, et le rapport aux autres.

Inacceptable que cela puisse arriver à tout le monde – quels que soient le degré de confiance en soi, le statut social, financier, ou autre.

Inacceptable et injustifiable. La jalousie, la violence du désir, la haine, un complexe d’infériorité, l’impunité des autres, la peur de la différence, la vengeance ou faire souffrir parce que l’on souffre soi-même… rien ne le justifie. Et il est juste de le dénoncer.

Et mon deuxième message est tout aussi important : il y a de l’espoir !

 

J’avais 17 ans, je venais d’entrer en classe de terminale : mon parcours scolaire était bon, j’étais une forte tête mais j’étais appréciée de mes camarades de classe. Elle avait un an de plus, et Elle m’a prise en grippe. Elle a commencé à m’insulter régulièrement, à me provoquer devant mes amis, me rabaisser, et à aller leur raconter des mensonges à mon propos. Ça a bien marché : une à une, mes « amies » se sont détournées de moi, préférant la croire Elle, plutôt que moi, alors que nous nous faisions confiance depuis des années. J’essayais de lui trouver des raisons pour justifier son attitude et je culpabilisais : qu’avais-je fait qui explique la violence de sa haine à mon égard ? Mais la vérité, c’est qu’il n’y a ni excuses, ni sens, au harcèlement. Cela a duré des mois. Je rentrais de l’école en pleurant, mes parents me conseillant comme ils pouvaient. A l’époque, il n’existait pas de dispositifs de signalement et de protection du harcèlement. Les réseaux sociaux non plus n’existaient pas et chez moi j’étais donc à l’abri. La foi m’a été d’un grand secours : elle ne donnait pas d’explication, mais elle donnait du réconfort et de l’espoir. Le point culminant a été un après-midi : j’animais un cours dans une classe à des élèves plus jeunes, et Elle est entrée comme une furie, m’a accusée d’une chose ou l’autre et m’a giflée. Devant tout le monde. Ma réaction a été une profonde pitié, et je ne lui ai pas rendu son coup, ce qui l’a désarçonnée. Bien que le harcèlement ait continué jusqu’à la fin de l’année scolaire, pour moi, j’avais gagné ce jour-là.

Ce jour-là, j’ai gagné en estime de moi : ce n’était pas à une personne malveillante de me dire qui j’étais, quelle était ma valeur. Mon identité était fondée sur ma connaissance de moi, mon analyse de mes expériences et ce que mes proches – ceux qui me connaissent et ceux qui m’aiment – disent de moi. J’ai été obligée d’interroger qui j’étais, et de répondre franchement à ses attaques : étais-je qui elle disait que j’étais ? Si la réponse est non, alors je n’avais pas à en souffrir.

Ce jour-là, j’ai également gagné un sens de la justice accru : j’ai pris la décision de ne pas me taire, même si cela est inconfortable. J’ai été davantage sensible aux situations d’abus dans les couples, dans les groupes, dans la sphère professionnelle : les dénoncer, c’est déjà un premier pas.

Ce jour-là, j’ai aussi gagné de vraies amitiés. Face au discrédit, beaucoup de personnes que je croyais amies se sont laissé abuser et m’ont tourné le dos. Les personnes qui sont resté, le sont resté pour la vie. Merci à toi A. de t’être mouillée pour moi, alors que nous nous connaissions à peine. Sache que cet épisode éprouvant de ma vie en valait le coup, puisqu’elle a donné naissance à notre amitié qui s’est approfondie au fil des ans !

Ce jour-là, je suis devenue plus forte. Reconnaitre l’injustice d’une situation qui m’échappait, admettre l’impact que cela avait sur moi, et pourtant accepter de pardonner, a été la porte de sortie d’une situation intenable.

 

J’ai d’autant plus été choquée d’admettre que j’ai à nouveau été victime de harcèlement. Cette fois-ci j’étais adulte. Une adulte bien dans sa peau, relativement sûre de moi et consciente de mes limites, ouverte aux autres. A plusieurs reprises j’ai été embêtée dans la rue par des hommes persistants mais j’avais toujours réussi à m’en sortir indemne. Mais cette fois-là a été différente. Nous fréquentions la même association et j’ai juste souhaité être gentille avec Lui. Très vite, Il est devenu collant et j’ai commencé à Le fuir. Puis les coups de fil ont commencé : j’étais la femme de sa vie, nous allions nous marier. Au début, j’étais remplie de pitié pour Lui, je ne souhaitais pas faire d’esclandre, préserver sa dignité. Mais les appels téléphoniques se sont intensifiés, et bien que j’aie bloqué son numéro, Il pouvait me laisser des messages vocaux. Délirants. Inquiétants. J’ai demandé à un responsable de l’association d’intervenir et pendant un temps le harcèlement a cessé. Puis il a repris, du jour au lendemain : Il me faisait des cadeaux, m’a suivie une fois dans la rue, me tournait autour (littéralement). Il n’était pas une menace à proprement parler, puisqu’il était physiquement mal en point. Je me suis donc raisonnée : Il ne peut pas te faire du mal, laisse tomber, Il est juste très seul, etc. Jusqu’à ce qu’un beau jour, après quasiment 1 an et demi, je pose les mots dessus : j’étais à nouveau harcelée. J’avais la même boule au ventre lorsque je recevais un message de sa part, j’étais tendue lors des rencontres de l’association en espérant qu’Il ne soit pas là, je ne cessais de me demander ce que j’avais fait pour déclencher son obsession, je me méfiais lorsque je rencontrais de nouvelles personnes. Réaliser cela a déclenché une décision radicale : c’était inacceptable. Si les responsables de l’association ne l’expulsaient pas, je porterais plainte. Ça en est resté là, et j’ai une fois de plus beaucoup appris.

J’ai appris que les victimes de harcèlement ne sont pas de petites choses fragiles qui s’attirent des abus en série : ce sont des personnes comme vous et moi, avec leurs forces et leurs fragilités. Elles ont juste attiré la mauvaise personne, au mauvais moment. J’ai appris qu’il était nécessaire de porter attention à notre sentiment de sécurité : est-ce que « ça sent le roussi ? » et ne pas hésiter à rappeler les limites, encore et encore.

J’ai appris que la notion de consentement n’est pas encore très claire pour beaucoup. Peu importe les gestes ou les mots que l’on ait pu poser – qui auraient pu être interprétés comme une invitation – un « non » reste un « non » ! Si vous ne connaissez pas la vidéo ci-contre sur le consentement, je vous la conseille, elle est très parlante.

J’ai appris qu’il fallait rappeler cette vérité aux gens qui nous entourent, et surtout à tous ceux qui disent avec un ton paternaliste « mais jolie comme tu es, ce n’est pas étonnant que tu attires l’attention ». J’ai appris qu’on n’a pas besoin de trouver des raisons logiques à dire « non » face à une sollicitation amoureuse : si je n’en n’ai pas envie, c’est amplement suffisant et la discussion devrait en rester là.

J’ai appris qu’être gentille parfois, ce n’est pas suffisant pour se protéger, et que dire haut et fort l’injustice – au risque de se faire traiter de harpie – c’est parfois le seul moyen de mettre fin à l’abus.

J’ai appris qu’on a besoin des autres pour se sortir d’une situation de harcèlement, ou d’abus. En parler, c’est déjà briser le poids de la culpabilité et de l’angoisse. Pour moi, c’est une discussion avec mon amie A (celle-là même qui avait pris ma défense à 17 ans) qui m’a permis de trouver les bons mots et de réaliser l’impact de ce qui était en train de se passer. Puis d’autres amis de mon association se sont montrés protecteurs, et les responsables ont pris les mesures nécessaires. Je n’ai pas été seule, et je leur en suis reconnaissante.

 

Alors voilà. J’ai été harcelée, à deux reprises. J’espère qu’il n’y aura pas de prochaine fois, mais je ne peux pas en être sûre. Si je me suis montrée vulnérable dans cet article, c’est parce que je veux que vous sachiez que cela peut arriver : vous pouvez être la victime momentanée d’une telle relation, vous pouvez en être témoin, et vous pouvez aussi être l’ami ou le parent qui questionne et aide à mettre à jour des situations d’abus.

Alors pour finir, je vous rappelle quelques conseils de professionnels concernant le harcèlement :

  • Dénoncer les actes de harcèlement à chaque fois que vous en êtes témoin
  • Être dans l’écoute et l’accueil des personnes qui vous partagent des situations de harcèlement : rassurer, la laisser exprimer sa culpabilité, sa douleur, sa colère. Puis l’accompagner dans les démarches éventuelles appropriées.
  • Voici les numéros d’appel gratuits pour obtenir de l’aide et du conseil : SOS harcèlement scolaire 3020, harcèlement dans la sphère professionnelle 116 006, victimes de violences conjugales et familiales 3919, et sinon, il y a aussi la possibilité de déposer une plaine à la Police.

>> Et vous, qu’allez-vous faire face au harcèlement ?

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Ketsia Bonnaz

Ketsia Bonnaz

Coach, Formatrice, Consultante

 « Développer les potentiels » est ma passion… et mon ambition.

J’aime être catalyseur de développement, qui permet de passer de l’idée à la réalité.

Je vous accompagne à déterminer où vous êtes, où vous désirez aller, et passer de l’aspiration à l’action. Le coaching, la formation et la consultance me permettent de puiser dans des méthodologies et des outils variés afin d’aborder chaque situation avec créativité, et vous proposer des solutions adaptées et pertinentes.

 Je suis à votre écoute, en alignement avec mes valeurs d’intégrité, de respect et d’espoir.

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4 Commentaires

  1. ROBERT Dominique

    Mille mercis pour ce témoignage, Ketsia. Merci pour la confiance, merci pour la transmission, merci pour l’espoir !

  2. P. Jan

    Merci Ketisa pour ce partage qui peut tous nous aider à mettre les limites aux bons endroits et aux bons moments.

  3. Yoann

    Tu es forte, tout court, et cette force, tu la transmets avec une douceur dont l’impact est puissant ! Merci d’en faire profiter ton monde, merci de m’y avoir fait entrer 🙂

  4. Ketsia

    Merci @Yoann et tous les autres pour vos réponses bienveillantes et encourageantes. Puissions-nous être de ceux qui sachions reconnaître l’injustice et nous lever pour la combattre !

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